Saint Martin de Ré, l’antichambre des bagnes
Départ pour le bagne à Saint Martin de Ré
Depuis peu classée au Patrimoine Mondial de l’Unesco, la ville de Saint Martin de Ré est renommée pour son architecture et ses fortifications conçues par Vauban pour défendre l’île face aux incursions des Anglais et servir de refuge aux habitants en cas d’attaque.
Saint Martin de Ré est aussi connue comme point de départ des bagnards vers les colonies d’outre-mer. C’est là un autre volet, plus sombre, de l’histoire rétaise. En effet, imaginées à des fins militaires, caserne et citadelle furent en réalité dédiées à l’enfermement.
Jadis, on y enferma révolutionnaires, royalistes, prêtres réfractaires, opposants à Napoléon, soldats qui lui restèrent fidèles et, plus tard, Communards. Les bagnards étaient bien-sûr mélangés mais on en comptait trois catégories dès 1873 :
- Tout d’abord, les transportés soumis au « doublage », échappant à la peine de mort mais soumis aux travaux forcés. La loi de 1854 impose ce terrible « doublage » obligeant les condamnés d’une peine inférieure à 8 ans à rester autant d’années en Guyane qu’à leur temps de peine. Quant aux autres, condamnés à un temps plus long, à rester jusqu’à leur mort sur la terre de bagne.
- Ensuite, les déportés politiques, condamnés pour complot, espionnage, trahison, désertion ou faux-monnayage. Déportés simples, ou condamnés à être détenus en enceinte fortifiée, ils allaient soit en Nouvelle Calédonie, soit en Guyane comme le Capitaine Alfred Dreyfus en 1895 à l’Île du Diable (ancienne léproserie où on lui aménagea une cabane en pierres).
- Enfin, les relégués, qui étaient envoyés, après un temps de prison, au bagne à vie car ils étaient récidivistes. Les multirécidivistes représentent la moitié des cas jugés vers 1875!
Après la fermeture de Toulon, Saint Martin de Ré constitua l’unique point de regroupement des condamnés, tenu par une trentaine de fonctionnaires. De 1852, date où se met en place le transfert vers les bagnes d’outremer, à 1938, date des dernier départs pour la Guyane, environ 100 000 condamnés firent route vers la Nouvelle Calédonie et surtout vers la Guyane.
Cette vidéo montre le départ pour le bagne à Saint Martin de Ré des condamnés.
C’est ainsi que les «troupes des sans espoirs» prendront la mer sur le Loire puis, plus tard, La Martinière. Ils voyageront pendant près de trois semaines dans des conditions très précaires. D’ailleurs, sur 600 ou 700 prisonniers, une dizaine de forçats mouraient à bord, de maladie, du manque d’hygiène, de malnutrition, voire par suicide.
Le musée d’Ernest Cognac de Saint Martin de Ré propose une exposition permanente sur ce sujet dont les détails se trouvent ici.